lundi 25 juillet 2011

Just Forget About The Sub

Lundi. 18h00. La sonnerie de mon téléphone me réveille.
Le temps que mon esprit quitte le monde des rêves et reprenne la place qui lui revient de droit, l'appel passe déjà en absence.
Je me relève, m'assieds sur le bord de mon lit. La nausée monte.
Louis-Ferdinand dort encore sur le canapé, la boîte de Zolpidem dans les mains et une seringue dans le bras gauche. Son ipod, toujours branché sur la stéréo, diffuse Brian Jonestown Massacre.
Anton Newcombe gueule :  « I said :  "Look motherfucker now i'm looking for drugs" »

(Ça me rappelle vaguement quelqu'un. N'est-ce pas Meth ? )

Bordel ! Mais que s'est-il passé hier ? Je ne m'en souviens pas, ou plutôt, je préfère ne pas m'en souvenir.
Je me lève, me dirige vers les chiottes. Louis y a laissé un beau cadeau. Une belle gerbe s'étalant sur les murs. Je comprends mieux les grumeaux autour de sa bouche.

Bordel ! Mais que s'est-il passé hier ?

L'appart' est d'une saleté repoussante. A croire que des clodos y ont élu domicile depuis quelques mois.

Je ne sais pas ce que j'ai ingéré hier, mais la rechute se fait sentir. Je me sens mal dans ma peau, ma tête est sur le point d'exploser, j'ai de plus en plus envie de gerber, mon corps me fait douiller.
Je veux mourir.

(C'est un peu extrême, tu crois pas ?)
Ta gueule.

Après trois quarts d'heure passés sous la douche, je me résous enfin à jeter un oeil à mon téléphone. Deux messages.

Lou : « Je pourrai pas te voir ce soir. La famille, tout ça... Bref, je te rappelle quand je peux. »

Tant mieux, vu l'état dans lequel je suis, j'ai pas envie qu'elle me voit.

Vitali : « Mec, tu es dispo ce soir ? J'ai un truc à te montrer. Je t'attends chez moi. Ramène-toi dès que tu reçois ce message. »

Vitali ? Ça doit bien faire deux ans que je l'ai pas vu. Que peut-il me vouloir ?

(Te proposer encore un plan foireux ? Comme la fois où il t'a organisé un rendez-vous avec ce travelo.)

Merci pour la piqûre de rappel. Elle fait toujours plaisir.

Au moins, ça me donnera une occupation pour ce soir. En espérant qu'il n'y ait pas de bite à la place des chattes, cette fois-ci.
Je m'habille, me lave les dents, dis au revoir à Louis qui répond par un grognement.

(Il n'en a plus pour longtemps.)
Je sais bien, mais je n'ai pas le droit de le juger.

Je claque la porte, descends les escaliers, traverse la cour, et je me retrouve dans la rue.
Je me traîne à reculons vers le métro. Je hais le métro. Cette tristesse, cette odeur de pisse, ses stations délabrées remplis de clodos et tous ces connards de citoyens qui s'entassent dans ces wagons comme des porcs à l'abattoir.
Quand je vois une sortie de métro, j'ai toujours l'impression que Dante a fait des rêves prémonitoires avant d'écrire L'enfer.

("Vous qui entrez ici, abandonnez tout espérance "... Ouais, ça irait mieux que Métropolitain.)

T'es vraiment con parfois.

Métro, boulot, dodo. Encore un truc que je pourrais pas vivre, le leïtmotiv du travailleur a malheureusement fini par s'ancrer dans l'inconscient collectif. Mais l'inconscient collectif, je lui pisse à la gueule.

Quand je pense que ce train merdique était censé représenter une révolution autant technique que sociale pour l'époque...En fin de compte, les machines et les humains ne sont pas si éloignés.
Au bout d'un moment, on est tellement vieux qu'on arrive toujours en retard et puis on nous jette à la poubelle quand on veut plus de nous.

(Prendre le métro doit pas être facile pour un dépressif comme toi...)

Je fais avec.

Je pénètre dans l'antre du Diable. Les couleurs monochromes me renvoient au propre vide de mon âme. Mais le voile de la tristesse trouve sa place dans les wagons. La tension est lourde, l'air m'étouffe, l'odeur de sueur me pique les yeux. Des centaines de visages sans visages interagissent sans pour autant se connecter entre eux. Les faciès sont durs, fermés, les personnes sont aux aguets.

Je tremble, je commence à avoir peur en m'approchant du quai.
Pourquoi entrer dans le métro doit s'accompagner d'une appréhension et d'un sentiment d'hostilité incompressible ?

(Une chose est sûre, c'est que l'hostilité ne laisse pas de place à la sécurité...)

Le métro arrive, j'ouvre les portes, le malaise s'installe. Les gens me regardent comme si j'étais une bête de foire, chose qui m'arrive à chaque fois.

(En même temps, vu ta gueule...)
Tu pourrais pas la fermer parfois ?

Une place est libre, je m'assieds et là je me rends compte que même si les gens ne se ressemblent pas physiquement, les mêmes stéréotypes reviennent à chaque fois.

(Remercie la société et son formatage...)
Je parle pas de ça.

Prendre le métro, c'est comme aller à une réunion de famille. On voit toujours les mêmes personnes, elles changeront jamais, elles ne nous surprendront pas, et en plus de ça, ça nous casse les couilles de les voir.

Un clodo roumain fait la tournée du wagon, il dépose un petit papelard à côté de moi avec un espèce de porte-clé merdique. Je tourne la tête pour lire le message :
« G tro fin. Donné moa argent pour mangé. Fé pas ton rat, Kikoolol. »
Putain, comme si j'allais filer de la thune à un réseau mafieux.
J'ai fait l'erreur de toucher sa putain de carte une fois, j'ai rien compris à ce qu'il racontait.
On ne m'y reprendra plus. Je préfère encore le clodo qui fait son discours d'alcoolo.

Je regarde aux alentours, et j'observe une masse ingrate de clichés.
Je vois un couple qui se roule des pelles à en filer la gerbe. Le genre qui te rend dépressif et qui te renvoie ta solitude en pleine gueule. Le genre que t'as envie de shooter à bout portant.
Je vois un musicien, ou le chieur par excellence. Toujours avec son accordéon, il ne sait pourtant pas chanter.

(Bah oui, sinon ce serait pas drôle.)

Son répertoire est limité à deux chansons : La Bamba et la Cucaracha. A croire que les roumains pensent que les espagnols sont hypes. Merci pour l'info.
Je vois une putain de racaïlle en train de diffuser de la musique merdique avec son portable datant de l'âge de pierre. Désolé l'ami, mais je parle au nom d'une population entière. Mettre une musique de rap à deux balles à fond, moi, ça me donne des envies de meurtre. Alors, j'imagine que c'est une forme de rébellion vis-à-vis de la society, un bon gros fuck-off, mais au final à force de crier haut et fort que la société te prend pas au sérieux, tu es devenu tes propres propos et c'est triste.
 
Le métro s'arrête, un gros rentre, pousse les gens avant que les portes ne se referment.
Il ne s'excuse pas, il gueule parce qu'il n'y a pas de place.
Putain, je vais te saigner à coup de Slim Fast toi, tu vas voir.

Une femme avec une poussette l'a précédé.
Je me demande pourquoi les mères ne prennent jamais les enfants dans leurs bras et replient leur poussettes. C'est un effort trop considérable ? Faire chier les autres voyageurs en prenant la moitié de la place est plus drôle ?

L'ami José, toujours bourré, commence son discours. Il ne s'est pas lavé depuis trois mois, mais tout va bien, il est là pour répandre la parole divine. Tout le monde dira qu'il a un grain, je préfère l'étiqueter « visionnaire ». Ah Ah sacré José.

Un portable sonne, celui du mec en face de moi. Il décroche.

« ALLO ? OUAIS JE SUIS DANS LE METRO. JE T'ENTENDS MAL... OUAIS ET TOI ? Blablablablablablabla. »

Je me retiens de lui faire bouffer son portable. Sérieusement, on s'en branle de ta vie, mec.
Je sais que t'aimes t'exposer.
C'est bien de flatter son égo, je le fais en permanence, mais c'est mieux de se taire et d'être modeste.

Le métro s'arrête une nouvelle fois, un homme vient s'asseoir à côté de moi.
Tout le monde a cette image de Pedro, en marcel, poilu et tout en sueur.
Pourquoi il faut qu'il s'assied à côté de moi ? A croire que la texture de mes vêtements absorbent mieux la sueur.
J'aime bien le terroir et ses odeurs, mais pour ça, je préfère aller dans une fromagerie.

(T'es en forme aujourd'hui...)

T'es encore là, toi ?


Et puis, une apparition. Une lumière au travers de cette masse grisâtre infâme. Une jolie fille que l'on repère à chaque fois que l'on prend le métro. On espère attraper son regard, mais ses yeux, à notre grand malheur, ne se posent jamais sur nous. Comme si on était invisible. On joue des pieds et des mains, sans succès...
Par contre le gay à ses côtés me mate des pieds à la tête. Un don pour me rendre mal à l'aise.

Je me dis qu'il y a deux populations en guerre dans le métro. Le juge et le jugé.
Le juge, c'est moi, le connard qui se permet de se foutre de la gueule des gens.
Le jugé, c'est le reste du monde.

(Les petits japonais et leurs « photos, photos ». Le pied. )

Au final, de tout ces moments passés dans cette boîte de conserve, il y a un seul point positif que je relève. C'est le seul endroit où je peux encore apprécier la solitude, sensation qui m'échappe de plus en plus au fil des ans.

Le métro arrive enfin à mon arrêt.
Je sors de cet enfer. La liberté m'ouvre les bras. Je respire.
J'ai l'impression d'avoir le droit à une résurrection à chaque fois que je quitte ce lieu.

Montparnasse. 20H30. Vitali m'ouvre la porte de chez lui.

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