mercredi 8 février 2012

L'homme


Cette histoire commence dans un bar...
On pourrait dire qu'elle commence dans un hôpital, mais c'est le cas de 99 % des histoires.
Trop banal.
Elle commence donc dans un bar, sur une terrasse plus précisément.

Un homme, assit à une table du premier rang, attend.
Il boit une gorgée de son café, tire une latte de sa clope, demande à la serveuse de le resservir et lui dit que si sa boisson est à nouveau froide, elle le regrettera amèrement.

L'homme regarde au loin.
Il jette un coup d'oeil à sa montre. Il se dit qu'il lui reste encore un peu de temps.

L'homme est bien vêtu quoi qu'un peu trop classique. Costard-cravate.
Son âge n'est pas important ( Le manque de trait sur son visage empêchait, de toute façon, de le trouver.).
Son nom n'est pas important. Le récit de sa journée, il n'y a que ça qui compte.

Il attendrait jusqu'à ce que la raison, pour laquelle il attend, se manifeste.
La serveuse s'approche, le ressert.
En partant, elle jette un coup d'oeil à la mallette posée sur le sol.

L'homme passe sa main dans sa tignasse blanche ( seul signe d'un âge avancé ) et regarde à nouveau au loin.
Il tire une latte, boit une gorgée. Toujours rien n'arrivait.

Bien que patient ( grande qualité selon son ex-femme ), l'homme désespérait de ne pas voir son rendez-vous arriver.

Il est exactement 15h38.
La femme qui lui avait donné rendez-vous, lui avait dit de s'asseoir exactement à la place où il se trouve et d'attendre 15h40.
Plus l'heure approchait, plus l'homme se sentait mal à l'aise.

15h39. Un oiseau s'envole, un homme monte dans un taxi, un bus passe, mais toujours aucun signe de la femme.

15h40. Quelqu'un pose sa main sur l'épaule de l'homme.
L'homme se retourne. C'est la serveuse.
La femme s'assit à sa table et le regarde.
L'homme comprend et pousse avec son pied, la mallette, sous la chaise de la femme.
Elle lui tend un sac de marque. Dedans se trouve ce qu'il cherche.
La femme se lève, prend la mallette et retourne à l'intérieur du bar.
L'homme se lève et part.

En rentrant chez lui, l'homme allume la télé et s'assit devant.

16h53. Il regarde le sac, il est attiré par lui mais préfère attendre.
La télévision vomit les conneries habituelles.
L'homme aime s'abrutir pour oublier.
Se lever. Accompagner les enfants à l'école. Aller au boulot. Rentrer. Se laver. Manger. Regarder la télé. Dormir.
L'homme connait bien la rengaine pour en avoir été l'acteur.

19h30. L'homme se lève, se dirige vers la cuisine, met un plat surgelé au micro-ondes (Cuisson : 1min30), sort le plat, s'installe à table.
Ce soir, comme tous les soirs, il mange seul.
Au début, la solitude, il a eu du mal à l'accepter.
Il a pensé au suicide, il a voulu passer à l'acte, mais l'homme est faible.
Il a peur même s'il sait que plus rien ne le retient ici.

20h00. L'homme se lève de table, débarrasse, prend le sac et retourne s'asseoir devant la télé.
Il ouvre le sac. Le Graal, l'objet de dépendance est bien présent.
Il prend le sachet, le pose sur la table et l'ouvre avec un couteau.
500 grammes de cocaïne apparaissent devant ses yeux. Toutes ses économies.
L'homme se fait trois rails. Il se sent mieux.
Son addiction fut l'une des raisons du départ de sa femme.
L'autre fut l'abandon de son fils.
L'homme le regrette désormais, mais il croyait avoir raison.

20h30. L'homme s'ennuie. La drogue ne suffit pas. ( Ou ne suffit plus ? )
L'appel du sexe devient trop fort.
Il sort de chez lui, monte en voiture et sillonne le quartier à la recherche d'une pute.
Il tombe sur une grosse. Elle fera l'affaire.
Ils montent dans une chambre d'hôtel.
L'homme ne parle pas. Parler ne sert à rien, l'amour et les sentiments n'entrent pas en compte.
Il la baise, se vide, lui jette l'argent à la gueule et se casse, toujours sans rien dire.
Il n'aura même pas émis un bruit de respiration saccadée durant l'orgasme.
Il aurait pu se faire un rail sur ses seins, mais même ça, ça ne l'intéresse plus.
Par contre, un rail dans la voiture, il dit pas non.

22h. L'homme se balade dans la ville. Il ne veut pas rentrer.
Il repère un bar, se gare, sort de la voiture et entre.
Il commande un double whisky, deux shots de tequila et un verre de vodka.
Ce sera sa première commande.
Peut-être que l'alcool l'aidera à mieux planer.
L'homme est ruiné. Il le sait, mais il s'en fout.
L'alcool lui permet d'oublier.
Il repassera deux fois la même commande.
L'homme pense à son ex-femme, à son mariage raté.
L'homme pense à son fils, il lui manque. Il commence à pleurer.

23h. L'homme sort du bar en titubant.
Les gorilles du gérant l'ont foutu à la porte à cause de son humeur massacrante.
"C'est pas bon pour les affaires, désolé.", qu'il lui a dit.
En regardant le décor, l'homme s'aperçoit que les notions de perspective ont changé. Il se sent mieux.
Il décide de rentrer.
Il veut ouvrir la porte de sa voiture, les clés tombent sur le sol.
Il se penche pour les ramasser, il s'éclate une partie de la mâchoire en tombant.
Il ne sent pas la douleur. Trop d'alcool dans le sang.
L'homme monte dans sa voiture, allume le contact et trace la route.

La route est mal éclairée et l'homme ne roule pas droit.

Il veut se faire une clope.
Il sort son paquet de sa poche, l'ouvre, fait tomber la clope sur le sol de l'habitacle.
Il se penche pour la ramasser.
L'homme ne voit pas le jeune se relevant au milieu de la route.
L'homme le percute, le jeune passe par-dessus la voiture.
L'homme freine de toutes ses forces. Son coeur offre un festival de percussions.
Il sort de la voiture pour aller voir le blessé.
Le jeune ne bouge pas, il git sur le sol.
L'homme se penche et regarde le visage du jeune.
Le choc. L'homme dessaoule. Retour à la réalité.

Avant de sombrer dans l'inconscience, le fils reconnaît le père.
Et le père reconnaît le fils.
Mais le père est avant tout un homme et l'homme est un avant tout un lâche.
L'homme ne veut pas avoir à supporter le poids de la culpabilité et le regard de son ex-femme.
Il reste là, pendant dix minutes, figé par l'horreur de la situation.
Le père n'avait pas vu le fils depuis des années.
Mais l'homme n'appellera pas les secours, la prison très peu pour lui.
Après tout, c'est pas vraiment son fils, se rassure-t-il.
Il remonte dans sa voiture et part, laissant le fils derrière lui.

00h00. L'homme rentre chez lui, s'assit sur le canapé et allume la télé.
Le père, pensant le fils mort, pleure.
Il se fait trois autres rails. Plus de regrets, il est temps de passer à l'acte.
L'homme prend une lame de rasoir dans la salle de bain, se coupe les veines, va se servir une bière dans le frigidaire et retourne s'asseoir devant la télé.
L'homme attend et l'homme mourra oublié de tous.

Fin de l'histoire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire